Le 28 septembre 1913, à la ferme du Moulin au Quartier, Ernestine BUVAT, assistée de sa sœur Marie, sage-femme, met au monde Suzanne FREDERIC à six heures du soir. Comme sa tante, le destin de cette fillette, au regard décidé sera de prendre soin des autres.
Que dire de la petite Suzanne ? A la maison, elle seconde bien sa maman. C’est une bonne écolière qui ne pose pas de problème. Comme toutes les petites filles de son époque, elle clôturera le temps du catéchisme par sa profession de foi.
En 1933, Suzanne, boursière, est interne chez les Sœurs de la Congrégation des Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul de Clermont-Ferrand. L’école des sages-femmes est située dans les jardins de l’Hôtel-Dieu, à côté de la nouvelle maternité d’alors.
Comme sa tante Marie BUVAT, elle suit la même formation sous l’autorité de ces dames aux amples « cornettes » qui ont soigné et formé des infirmières et sages-femmes, pendant deux siècles et demi, jusqu’en 1968.
Debout à cinq heures du matin, Suzanne et ses camarades commencent le service dès la première année ; sœur Eulalie les guide.
Sur toutes les photographies, un sourire illumine les visages de ces jeunes filles : la joie, la gaité, sont leur passeport pour une vie professionnelle dynamique placée sous le signe de l’enthousiasme.
Pendant deux années d’études, le Professeur PLANCHARD enseigne l’art obstétrical et Suzanne effectue les divers stages à la maternité où elle a ses premiers contacts avec les mamans et les bébés.
Enfin le grand jour de l’année 1936 : le Docteur ROUGIER, chargé de cours d’obstétrique et de dissection signe le double diplôme d’infirmière et de sage-femme au nom de Mademoiselle BRUSSELEERS FREDERIC.
A 23 ans, « la Suzanne » a bouclé ses études, son brevet d’Infirmière en poche, elle est prête : elle ira à la campagne, là elle est bien parmi les siens dans « son pays ».
Les débuts de « la Suzanne » ? Le bonheur ! Une collaboration efficace avec les médecins locaux : merveilleux et respectueux souvenir. Le travail s’annonce difficile ?
Le docteur l’accompagnera pour la pose éventuelle des forceps, acte chirurgical qui lui est réservé.
Son premier accouchement, « la Suzanne » le fera avec le Docteur GAGNIERE. Elle est prête pour œuvrer dans le pays des Combrailles. Nombreux sont les enfants qu’elle mettra au monde : huit cents en cinquante-six ans de carrière. Le dernier, une nuit d’octobre 1987.
Toute sa vie, « la Suzanne » parlera avec émotion de ses débuts, mais 1950 sera l’année clé de sa carrière. En 1950, d’autres habitudes apparaissent, la vogue est d’accoucher en clinique. Prudente, « la Suzanne » fait homologuer son diplôme pour afficher son brevet d’Infirmière. Force a été pour « la Suzanne » d’adapter sa profession à l’évolution de la société. Son choix a été celui de la sagesse, choix réussi qui n’a jamais altéré son dévouement, son écoute, auprès des malades et des familles. Ainsi « la Suzanne » a continué à sillonner les Combrailles, au volant de ses célèbres 2CV Citroën.
De 1936 à l’automne 1993 par tous les temps, célibataire, mariée, puis veuve, elle est infatigable. Rien ne modifiera cette trajectoire qui voue « la Suzanne » corps et âme au service des autres, même pas son mariage à l’âge de 31 ans en l’église de Pionsat le 23 décembre 1944 avec Ernest Marcel JAMBRUN. Ce couple a traversé le temps.
L’année 1972 est éprouvante. Au printemps, le 22 juin 1972, décès du père adoptif Joseph BRUSSELEERS. A l’automne, le 26 septembre 1972, elle perd son mari.
Une seule issue : continuer coûte que coûte. Les malades, le travail. Jusqu’à la fin, vaille que vaille. Seule, sitôt rentrée, toujours très tard, c’est le compte-rendu détaillé de sa journée au docteur. Elle prend les consignes pour le lendemain.
Suzanne JAMBRUN a reçu la Médaille Nationale du Mérite qui lui a été remise en 1974 par Jacques PAQUET, maire de Pionsat.
Dans les dernières années surtout quand il fallait se déplacer par un temps de chien, très souvent jusqu’à 22, voire 23 heures, son voisin l’accompagnait. Qui ne les a pas croisés se disant que ce n’était plus raisonnable ? Mais, ils étaient des acharnés du secours : elle en tant qu’infirmière, et lui, ancien Capitaine des Pompiers qui n’avait jamais reculé pour aller au feu, en tant que chauffeur des trajets difficiles.
Nombreux seront ceux qui accompagneront Suzanne au cimetière de Pionsat, le 15 septembre 1993,
Quelle belle histoire, elle est à vie : « la Suzanne » pour les uns, Madame JAMBRUN pour d’autres. Tous ont en commun une indéniable affection, une indéniable reconnaissance.
Source : le livre de Françoise GUNGAH : La Suzanne Sage-femme des Combrailles raconte ses bébés.