Elu conseiller général de l’Allier le 28 juillet 1889, Christophe THIVRIER, plébiscité par ses amis, se lança à la conquête de la circonscription de Montluçon-Est qui comptait alors 42 communes.
Dans les petites communes où aucune réunion ne se tenait, le plus souvent « Christou » partait seul à la rencontre de quelques connaissances qui lui présentaient des électeurs potentiels, le bouche-à-oreille faisait le reste.
Pour les communes les plus importantes, il était accompagné par Raoul FREJAC, secrétaire à la mairie de Commentry, homme actif au talent de polémiste, mais « Christou » apprit vite. Ayant reçu le baptême de l’estrade à Marcillat, THIVRIER multiplia alors les réunions.
C’est au cours d’une réunion à Doyet, que des électeurs, voyant la blouse que portait Christophe THIVRIER pour aller en voiture et qu’il ne posait pas pour monter à la tribune, lui dirent « Christou, si tu es élu, il faudra aller à la Chambre avec ta blouse ». Il s’y engagea.
THIVRIER a été élu de justesse au second tour, le 6 octobre 1889, avec 5 685 voix face à MARTINOT, 5 628 voix et VIPLE, 5271 voix. Il devenait ainsi le premier député socialiste de l’Allier. Ses amis n’ont alors pas manqué de lui rappeler sa promesse de siéger en blouse !
Il tint promesse et arriva à l’Assemblée en blouse. Aux huissiers qui lui demandent de l’enlever, il rétorqua « quand l’abbé LEMIRE posera sa soutane, quand le général de GALLIFET quittera son uniforme, je poserai ma blouse d’ouvrier » et déclare à la presse « mes électeurs ne veulent pas que je me déguise pour la séance d’ouverture. Ils m’ont donné le mandat d’y aller endimanché comme je suis ordinairement, ma blouse par-dessus mon paletot »
Au printemps 1890, un profond mouvement social se dessina chez les ouvriers, les congrès socialistes les encouragèrent à porter sur des cahiers de doléances leurs revendications immédiates.
Le 1er mai 1890, cinq élus socialistes dont Christophe THIVRIER furent autorisés à les porter au bureau de la chambre des députés. C’est ce même jour, que l’Armée chargea les ouvriers de la Forge à Commentry en grève.
Le 10 mai 1890, à la tribune de l’Assemblée, devant le ministre de l’Intérieur, Christophe THIVRIER dressa la liste des dégâts humains et matériels subis par cette charge. Mise aux voix, cette résolution n’obtint que 56 voix. Parallèlement, Commentry vit la grève avorter.
Lorsqu’en 1893, la législature fut achevée, Christophe THIVRIER entra à nouveau en campagne en vue de sa réélection. Face à lui, toujours le Docteur VIPLE, Marcel VACHER, maire de Montmarault et Etienne MONANGES, ancien maire de Montluçon.
Au second tour, le 3 septembre 1893, THIVRIER fut élu par 8 800 voix face à VACHER qui en obtint 6 537.
A la Chambre, THIVRIER retrouve JAURES, GUESDE et VAILLANT au sein d’un groupe socialiste plus ardent parce que plus nombreux que précédemment. La propagande s’intensifiant, le député en blouse était contraint d’augmenter son activité. Il était toujours en déplacement, répondant aux invitations des milieux socialistes, allant sur les champs de grève et aux congrès internationaux.
Le 27 janvier 1894, dans un débat houleux à la Chambre, THIVRIER se lève en criant par trois fois « vive la Commune » (période insurrectionnelle durant laquelle les Parisiens furent maîtres de la Capitale). Sommé de retirer ses propos, il les maintient et est exclu pour deux mois, mais refuse de quitter son banc. Il est alors expulsé par les militaires.
L’année 1894 se passa dans la fièvre d’une bataille parlementaire continuelle. Aucun des députés socialistes ne s’absentèrent de Paris dans l’attente d’événements graves.
Le 8 août 1895, « Christou » meurt à Commentry. Il a 54 ans. Quinze mille personnes, dont plusieurs personnalités nationales l’accompagnent à sa dernière demeure. Les funérailles furent grandioses et tous les journaux s’accordèrent à dire que c’était une figure les plus pittoresques du temps qui disparaissait.
Sources : – le livret édité par la ville de Commentry en 2022, pour le 140e anniversaire de l’élection de Christophe Thivrier
Le livre d’Ernest Montusès, le député en blouse