Bordant la Sioule qui serpente entre pâturages et bocages, le village de Menat abrite, dans son sous- sol, un formidable patrimoine de renommée internationale. Ce site paléontologique est le plus ancien gisement tertiaire de France et le deuxième plus ancien d’Europe.
Le volcanisme du Massif Central a été actif durant les périodes tertiaire et quaternaire, l’âge des volcans s’étageant de soixante-cinq millions d’années pour les plus anciens à seulement sept mille ans, voire moins pour les plus récents. Toutefois, on constate des phénomènes volcaniques beaucoup plus précoces, notamment à Menat où la croute terrestre aurait laissé passer le magma, qui en rencontrant des nappes d’eau sur son passage créa, sous la pression volcanique, un cratère sous l’actuel village.
Au fil des temps, ce cratère, en se remplissant d’eau, forma un lac autour duquel une vie s’est organisée sous un climat de type méditerranéen humide. Dans ce lac, s’installèrent des algues microscopiques (les diatomées), qui en mourant, se déposent avec la vase au fond du lac, formant des couches de sédimentation où se pétrifièrent les organismes morts.
De siècle en siècle, de très fines couches se sont déposées et le lac s’est progressivement asséché en emprisonnant divers vestiges de l’écosystème qui l’entourait : des animaux aquatiques morts, des feuilles d’arbres et des débris végétaux et des animaux terrestres noyés. Ainsi plantes, fruits, graines, insectes, poissons, ont laissé leur marque indélébile dans la couche schisteuse. Un sondage a révélé une épaisseur de cinquante mètres de sédiments très tassés sans que les scientifiques n’aient pu définir combien de temps a duré le processus puisqu’à ce jour, seule la surface a été fouillée.
Au XIXe siècle, ce sédiment a été exploité pour produire le Noir d’Auvergne (colorant employé dans la peinture, le cirage, l’encre, l’industrie alimentaire, …) ainsi que le Tripoli d’Auvergne (terre d’un jaune rougeâtre et d’un grain très fin, composée presqu’entièrement de silice, utilisée pour polir les glaces ou décaper les métaux). Cette exploitation, si elle a entrainé la destruction d’un grand nombre de fossiles a permis d’en tirer plusieurs constats :
– les rives du lac accueillaient une flore luxuriante composée d’essences familières (fougères, roseaux, noisetiers, lauriers, houx, mimosas,…) ou exotiques (canneliers, kakis, ficus,…) et plusieurs espèces d’arbres (pins, peupliers, chênes,…) ;
– cette végétation accueillait environ deux cents espèces d’insectes, dont la majorité est typique des milieux forestiers humides. Le groupe d’insectes le plus abondant était celui des coléoptères (carabes, bousiers, buprestes et charançons) qui cohabitaient avec la famille des blattes et des fulgores ;
– peu de fossiles d’oiseaux ont été identifiés à ce jour, car trop fragmentaires, mais de nouvelles recherches sont en cours ;
– concernant les mammifères fossilisés, peu de restes sont connus à Menat à l’exception du squelette du « plesiadapis insignis » d’abord nommé Menatotherium par le Docteur Piton en 1940, petit animal arboricole proche des primates, exposé au Muséum de Paris ;
– le lac abritait trois espèces de poissons typiques des milieux d’eau douce appartenant à la famille des saumons, des acanthoptérygiens (perches, bars,…) et des amiidés, prédateurs solitaires ;
– Enfin, des reptiles ont été découverts : tortues, lézard ainsi qu’un mystérieux Menatalligator, tous disparus. En 2000, un nouveau fossile a été découvert : un choristodère proche de la famille des crocodiles,
Il convient de préciser que le gisement a été pillé jusque dans les années 1970, date à laquelle le Cercle de Paléontologie Bernard Palissy a créé le Musée paléontologique de Menat et a protégé le gisement qui, depuis 1988, est déclaré « Réserve Naturelle » et placé sous la protection du Ministère de l’Environnement. Aujourd’hui, afin de protéger le site, un arrêté municipal interdit toute collecte.
L’association PaléOvergne exploite le gisement à des fins scientifiques, gère les collections et est appelée à organiser des actions de sensibilisation destinées à mieux faire connaitre le site paléontologique de Menat et la paléontologie en général. Il est aussi possible de visiter le musée, situé à l’emplacement de l’ancien cratère d’explosion.
Sources : Revue Massif Central printemps 2021
Le Musée de Menat