Cesare BRANDI, philosophe, historien et critique d’art italien (1906-1988) peut être présenté comme le fondateur du concept de restauration d’œuvres d’art. En 1939, il a fondé l’Institut Central de Restauration à Rome qu’il a dirigé jusqu’en 1960. En 1963, il a écrit le livre «Théorie de la Restauration» qui reste encore aujourd’hui un ouvrage de référence.
Pour BRANDI, la différence entre l’œuvre d’art et l’objet ordinaire, et par conséquent, la différence entre la restauration et la réparation, n’est pas une affaire de matériau ou de technique ; elle tient uniquement à la reconnaissance de l’objet comme œuvre d’art. Cette nature particulière se reconnait d’après lui dans une illumination, un éclair de conscience. Il définit l’œuvre d’art comme un produit de l’activité humaine, mais qui diffère donc profondément de tous les autres.
Sans une conscience qui la vise, l’œuvre n’est qu’un morceau de matière dans lequel, selon l’expression de BRANDI, elle ne fait que subsister mais n’existe pas. La première distinction fondamentale est ainsi celle de la matière et de l’image. La matière façonnée par le travail n’est pas l’image, mais le support qui permet à celle-ci de se former dans une conscience.
On peut donc déduire de cette analyse que l’on ne restaure que la nature. On restaure la matière pour qu’elle nous livre une image.
Pour BRANDI, «l’œuvre d’art est un objet d’une nature paradoxale ; ouverte sur un présent éternel sans pourtant échapper à la prise du temps.»
La particularité du travail de restauration résulte directement de la particularité de l’œuvre d’art. Gouvernée par deux instances, l’une esthétique, l’autre historique, la restauration doit trouver sa juste place dans le temps et, tout en se gardant des falsifications, rendre à l’œuvre l’unité potentielle qui la définit.
L’instance esthétique correspond à la valeur artistique de l’œuvre, l’instance historique concerne l’œuvre en tant que produit humain réalisé à une certaine période, en un certain lieu.
C’est dès lors l’œuvre qui conditionne la restauration et non l’inverse.
La conservation préventive est donc le premier degré de la restauration. Elle assure aux œuvres les conditions de leur visibilité. Relèvent de la conservation préventive toutes les mesures visant à prévenir la dégradation matérielle des œuvres. Mais ce qu’on appelle aussi conservation préventive repose sur l’idée d’une globalité dans la prise en compte des œuvres comme dans le sens de la responsabilité à leur égard. Préventive, la conservation travaillera plutôt sur l’environnement de l’œuvre.
Curative, elle se concentrera sur l’œuvre afin d’en stopper la dégradation.
La conservation vise donc avant tout à préserver et sauvegarder l’intégrité matérielle de l’œuvre alors que la restauration se penche davantage sur sa lecture et sa présentation.
Veiller à des conditions favorables à la formation de l’image relève de la restauration. Rappelons-nous que la matière n’est pas l’œuvre, mais le support d’une image appelée à surgir dans une conscience.
En pratique, les traitements de conservation/restauration sont :
- refixage des écailles présentes sur la couche picturale et nettoyage,
- réparation des lacunes présentes dans le support par neutralisation,
- réalisation des masticages par mise à niveau des manques présents dans la couche picturale,
- enlèvements des repeints,
- dévernissage,
- réintégration picturale suivie d’une ou plusieurs couches de vernis.
Restaurer une œuvre d’art n’est donc pas un acte à prendre à la légère ; cela nécessite un savoir-faire spécifique, un respect de la déontologie et une solide connaissance artistique et scientifique. Chaque œuvre d’art porte en elle un bagage historique et esthétique qu’il est impératif de préserver fidèlement.
Ce sont autant de « porteur de messages », de patrimoines à transmettre aux générations futures dans les meilleures conditions possibles.
Source : extrait du colloque Pionsat-Patrimoine du 2 juin 2018