DESAIX : VAINCRE A MARENGO ET MOURIR !

8 novembre 2023 | Personnalités

Parti d’Alexandrie le 3 mars 1800, Desaix connaitra un retour vers Toulon pour le moins mouvementé : violente tempête qui occasionnera un arrêt en Grèce pour réparation, puis nouvelle tempête aux abords de la Sicile où il ne sera pas autorisé à accoster et enfin arraisonnage par une frégate britannique, où faute de laissez-passer valables, l’équipage sera emprisonné en Italie durant un mois. Il arrivera, enfin, à Toulon le 5 mai 1800, où il sera soumis à une quarantaine sanitaire d’encore trente jours.
Sitôt libéré et bien que Bonaparte lui ait demandé de rejoindre directement Paris, Desaix rejoint le Premier Consul à Stradella, entre Turin et Mantoue. Ensemble, ils passeront la nuit à échanger, mais il n’existe aucune trace de cet entretien. Au petit matin, à ceux qui lui reprochaient la trop grande attention qu’il accordait à Desaix, Bonaparte leur répond « … aussitôt mon retour à Paris, je le nomme Ministre de la Guerre. Il sera toujours mon second. Je le ferais prince si je le pouvais, … »
Pour la bataille de Marengo, face aux troupes du feld-maréchal Von Melas composées de 300 000 hommes, le Premier consul n’en dispose que d’environ 27 000 qui sont répartis en trois corps d’armée confiés à Victor, Lannes et Desaix, les cavaliers étant placés sous les ordres de Kellermann. Desaix se voit confier la zone sud pour couper la route de Gènes aux troupes autrichiennes.
Le 14 juin 1800, c’est Von Melas qui attaque au petit matin. Les Français repoussent un premier assaut meurtrier, puis vers dix heures déferle la seconde vague. L’ensemble de la plaine s’embrase jusqu’à midi, heure à laquelle la défense française craque et recule. Convaincu de sa victoire, Von Melas quitte le front pour préparer son bulletin de victoire à adresser à Vienne.
Desaix, faisant difficilement route vers Novi, envoie des éclaireurs pour connaitre la position des ennemis. Au retour, ceux-ci lui signalent aucune troupe au sud, et entendant le canon tonner dans la plaine, Desaix décide de faire demi-tour et fait irruption dans la réunion de l’état-major improvisée sous la tente de Bonaparte. Ce dernier, qui n’a pas le droit de perdre cette bataille, semble désemparé quand il décrit à Desaix l’état du combat. Les historiens ont unanimement rapporté la réplique de Desaix, qui après avoir consulté sa montre, déclare : « c’est une bataille perdue, mais il est de bonne heure, nous en gagnerons une autre » puis il expose son plan qui est mis en place en moins d’une heure.
Le combat commence donc, plus acharné et plus sanglant que le précédent, mais la rage de vaincre a changé de camp. Les Français regagnent les territoires perdus le matin. Devant les rangs autrichiens qui commencent à se disloquer, Desaix doit décider de la suite. Sans attendre les ordres de Bonaparte, Desaix lance ses mille cavaliers sur les Autrichiens qui sont en déroute. La victoire est incontestable. Pourtant, il manque un homme : Desaix, dont le corps inanimé, est retrouvé par Savary, son aide de camp. Une balle lui a déchiqueté le cœur, il a trente-deux ans.
Le Premier Consul voulut donner à Louis-Charles Desaix « les Alpes pour tombeau et les chanoines du Saint-Bernard pour gardiens ». Il ordonna que le corps de Desaix soit embaumé à Milan, confia à Jean-Guillaume Moitte, grand prix de Rome en 1768, la réalisation du mausolée en marbre blanc de Carrare, décida de son inhumation dans la chapelle des Hospitaliers du col du Grand-Saint-Bernard, située au cœur des Alpes à 2 473 mètres d’altitude, où Desaix avait commencé sa carrière militaire.
La translation aura lieu le 17 juin 1805. En l’absence de Bonaparte, retenu pour affaire d’Etat, c’est le général Berthier qui prononcera l’oraison funèbre qu’il conclura ainsi « Dites au voyageur, dites au guerrier qui, traversant ces monts, viendra présenter son épée sur le marbre de cette tombe : voilà l’homme que l’Orient salua du nom de Juste, sa patrie du nom de Brave, son siècle du nom de Sage et que Napoléon a honoré d’un monument »
Quant à Bonaparte, Emmanuel de Las Casas rapporte dans le Mémorial de Sainte-Hélène ses propos : « Le talent de Desaix était de tous les instants, il ne vivait, ne respirait que l’ambition noble et la véritable gloire. C’était un caractère antique. Il aimait la gloire pour elle-même et la France au-dessus de tout… L’esprit et le talent furent en équilibre avec le caractère et le courage, équilibre précieux qu’il possédait à un degré supérieur ».
Sources : Gonzague saint-Brice : Desaix, le sultan de Bonaparte
Emmanuel de Las Casas : Mémorial de Sainte-Hélène Jules Michelet : Histoire du 19e siècle