Le 25 juillet 1798, Bonaparte entouré de son état-major, Desaix à sa droite, s’installe au tout neuf palais de Mohamed el Elfi où il promulgue les décrets nécessaires à l’administration du pays. Quant à Desaix, il s’installe dans l’oasis de Tersch. Malgré leur facile victoire, les français n’ont pu arrêter Mourad-Bey et Ibrahim-Bey, ceux-ci ayant fui, l’un au sud, l’autre au nord. Bonaparte décide de poursuivre Ibrahim-Bey, laissant à Desaix le soin de le remplacer au Caire.
Bonaparte, de retour du delta et parce que les Anglais ont écrasé la flotte française à Aboukir, il s’attache à l’organisation structurelle du pays. Il y donne de grandes fêtes offertes au peuple durant lesquelles Desaix apparait toujours à ses côtés.
Cependant, le 25 août 1798, Desaix, délaissant cette atmosphère festive, quitte Le Caire pour remonter le Nil à la recherche de Mourad-Bey. Il embarque avec lui trois mille hommes sélectionnés par ses soins et désigne son encadrement : Savary, Donzelot, Perrée, Rapp et Davout.
Attaqué par les Mamelouks, Desaix remporte la bataille de Sediman le 7octobre. Le 8 novembre, il récidive à Mediney-el-Fayoun. Mourad-Bey attaque de nouveau à Samanhout le 21 janvier 1799, Desaix triomphe une fois encore. Il poursuit sa route jusqu’à Assouan qu’il atteint le 2 février et où il saisit la flotte de Mourad-Bey sans pouvoir le capturer. Le 3 mars, Desaix dirige, avec succès, la prise de l’île de Philae.
Ainsi de Suez – tombée aux mains du général Bon – à Assouan flotte désormais le drapeau tricolore. Bonaparte remet à Desaix un sabre d’honneur sur lequel il a fait graver l’inscription «Conquête de la Haute-Egypte» ainsi qu’un cadeau personnel : un poignard finement ciselé et serti de diamants qui, après plus de quinze ans passé à l’armée constitue sa seule richesse.
La guerre, toutefois, n’est pas terminée. En Haute-Egypte, les bédouins harcèlent les positions françaises au sud. En avril, Desaix manque d’être tué à Byr-el-Bar, mais les troupes de Mourad-Bey sont réduites à quelques centaines d’hommes démunis et privés de base opérationnelle. En mai, Desaix envoie le Général Belliard s’emparer du port de Koseir, sur la mer Rouge, que les Anglais utilisent pour livrer du matériel et des munitions aux Mamelouks. Belliard, à la tête de cinq cent cavaliers montés sur des dromadaires, traversera cent cinquante kilomètres de désert et s’emparera de la ville le 29 mai. Le commandement de la place est confié au général Donzelot.
A présent maître d’un immense territoire, Desaix installe son quartier général au centre de celui-ci, à Siout, où il se montre être un administrateur d’une qualité rare, honnête et équitable. Il pacifie les territoires conquis dont il a appris la langue. Son objectivité, sa capacité d’écoute et sa générosité lui attirent le respect des soldats, des savants et de la population qui lui attribue le surnom «le sultan juste». Desaix établit une police chargée de la protection contre les vols et les agressions et une justice à l’image de celle issue de notre Révolution, mais Desaix va surtout tenter de relancer l’économie en Haute-Egypte. A cette fin, Il demande aux savants d’améliorer les systèmes d’irrigation, travaux qui seront réalisés par les soldats au grand étonnement des populations qui vont découvrir les plantations de palmiers, citronniers, orangers,… Pour les soldats français, il fait construire des villages avec cafés, restaurants, barbiers,…
Les conquêtes militaires et administratives maitrisées, le temps de la découverte et de la mise en valeur du patrimoine a sonné. Accompagné de plusieurs membres de la commission scientifique dont Vivant-Denon, Geoffroy Saint-Hilaire et Jomard, Desaix découvre les antiques cités anciennes : Karnak, Esna, Edfou, Kom-Ombo, Assouan, Memnon et ses colosses, mais aussi Louksor et son obélisque offert à Paris par le Sultan Mehmet Ali.
Pendant ce temps-là, Bonaparte empêtré dans la campagne de Syrie-Palestine, demande, le 15 juillet 1799, à Desaix de réunir ses troupes dans le delta, mais ce dernier ne recevra pas le message. Bonaparte ordonne la retraite avant de conclure sa campagne par la victoire d’Aboukir. Il rentrera en France le 22 août 1799 en nommant Kléber commandant de la Haute-Egypte et en demandant à Desaix de rentrer en France au début de l’hiver. Ce dernier, chargé d’une mission diplomatique par Kléber ne rentrera en France qu’au printemps.
Nous sommes le 3 mars 1800, une aventure s’achève, une autre commence !
Sources : Gonzague Saint-Brice : Desaix, le Sultan de Bonaparte
Général Bertrand : Cahiers de Sainte-Hélène